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Même pas morts


À l’origine de ce travail il y a la mort de Dadou, mon grand-père. Quelque temps après son enterrement, ma grand-mère m’a donné sa chevalière en héritage. Je l’ai longtemps portée avant de la perdre en jouant dans la mer avec ma sœur et mon père au mois d’août il y a deux ans. En lien avec cet évènement, j’ai progressivement choisi d’écrire sur les objets qui nous rattachent à ceux que nous avons perdus. Le point de départ de ce travail, c’est la perte, c’est quelqu’un qui n’est plus là, mais j’ai essayé de ramener beaucoup de monde, beaucoup de proches, beaucoup de vie intime, comme s’il s’agissait déjà d’un début de réponse à l’absence

J’ai décidé d’aller à la rencontre de mes proches, famille ou amis, pour qu’ils me parlent de quelqu’un qu’ils aimaient et qu’ils ont perdu en prenant chaque fois comme point de départ un objet gardé en souvenir de leur défunt. Si l’écriture est présente sous la forme de restitution d’entretien dans ce travail, il m’a semblé important important de donner à voir, de mon point de vue, le visage et le corps de mes proches. Je voulais qu’ils soient présents ici sous une autre forme que celle de l’écriture. J’ai alors commencé à photographier mes proches pendant l’entretien ou plus tard, en retournant chez eux. Petit à petit, j’ai constitué une collection de portraits de mon entourage affectif.

Le point de départ de ce travail, c’est la perte, c’est quelqu’un qui n’est plus là, mais j’ai essayé de ramener beaucoup de monde, beaucoup de proches, beaucoup de vie intime, peut-être déjà comme s’il s’agissait d’un début de réponse à l’absence.


· Exposition au Festival des Boutographies, Montpellier, 2021

· Prix du Public du Festival des Boutographies, 2021

“ Eux ne sont pas morts. Ils sont juste voués à mourir, comme nous tous. Ils parlent d’une chose laissée par ceux qui sont partis. Présence des êtres, absence des corps. Ceux qui parlent à Antoine lui manqueront, aussi, un jour. L’acte d’attention aux morts est aussi un acte d’attention aux vivants. Dans les images d’Antoine, les vivants semblent se fondre dans le noir qui les dévore lentement. Certains touchent leur propre corps comme s’ils vérifiaient sa présence, sa matérialité. Parfois, Antoine s’approche très près, comme pour rassurer les êtres sur leur existence, mais aussi sur leur pérennité au-delà de la matière, dans ce qui sera image, parole, invocation. Le hors-champs, c’est le noir, mais cette obscurité promise n’est pas inquiétante. Elle est le devenir commun des désirs, des peurs, des maladresses et des hésitations dont nous garderons la mémoire. Ces images procurent un sentiment puissant de paix et de sérénité, comme si la disparition à laquelle nous sommes promis ouvrait la possibilité de donner de soi, enfin, ce que notre présence corporelle avait toujours empêché. ”

“ They are not dead. They are just doomed to die, like all of us. They speak of something left behind by those who have gone. There is a presence of beings, an absence of bodies. Those who talk with Antoine will, one day, miss him too. The act of caring for the dead is also an act of caring for the living. In Antoine’s images, the living appear to melt into the darkness that slowly devours them. Some touch their own bodies as if they were checking its presence, its materiality. Sometimes, Antoine uses close-ups, as if to reassure the beings about their existence, but also about their durability above and beyond matter, in what will be image, word, invocation. The periphery is black, but this promised darkness is not disturbing. It is the common future of desires, fears, awkwardness and hesitations that we will remember. These images provide a powerful feeling of peace and serenity, as if mortality, which is our fate, opens up the possibility, at last, of giving of ourselves : that which our bodily presence has always prevented. ” Christian Maccotta, traduction : Peter Vass


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